À peine 48 heures avant une grève promise à désorganiser les services, le personnel administratif de la STM a conclu une entente de principe. Bien que les détails demeurent partiels, on sait déjà que des avancées salariales ont été obtenues, notamment pour les employés de soutien et de supervision. Pour ces travailleuses et travailleurs trop souvent dans l’ombre du réseau de transport collectif, c’est une victoire. Mais derrière l’effervescence syndicale, une question s’impose : répondre aux revendications immédiates suffit-il à régler un problème structurel plus profond dans nos services publics?
Le contexte ne peut être ignoré. La STM — comme d’autres entités municipales — opère sous double pression : un sous-financement chronique d’une part, et un recours croissant à ses effectifs à cause des besoins accrus en mobilité durable d’autre part. Le résultat? Un surmenage normalisé. Des postes vacants, des rotations élevées, un climat où les urgences à répétition empêchent la planification. L’entente actuelle, bien qu’elle apaise une crise, ne règle pas cette dynamique d’épuisement organisationnel.
Ce qui ressort ici, c’est la tension croissante entre les réalités administratives et opérationnelles. Les employés de bureau, souvent vus comme des soutiens invisibles, ont rappelé leur rôle névralgique dans le maintien des opérations. Cette reconnaissance syndicale marque un virage : les luttes en milieu de travail ne sont plus seulement l’affaire des cols bleus face au terrain, mais aussi celle des « back-offices » pressurisés. Il y a là un écart inquiétant entre les conditions de travail vécues sur le plancher et celles perçues par les hautes directions, parfois trop éloignées des réalités quotidiennes.
En filigrane, l’enjeu est aussi politique. Cette entente offre un exemple stratégique pour d’autres employés municipaux, notamment à la Ville de Montréal, où la négociation collective se joue sur fond d’autonomie fiscale limitée et de cohérence budgétaire difficile à maintenir. Chaque déplacement salarial local aura des répercussions sur l’ensemble des conventions collectives du secteur public. Mais nier ces ajustements, c’est refuser de reconnaître la transformation du lien salarial dans les services essentiels, où l’attraction et la rétention ne peuvent plus seulement passer par le devoir ou la vocation.
Préserver la force syndicale, ce n’est pas simplement permettre des grèves évitées ou des hausses de salaires obtenues. C’est aussi maintenir une capacité d’équilibre dans un système en tension permanente. Dans le cas de la STM, cette mobilisation a montré qu’un syndicat fort peut faire valoir des conditions justes dans un environnement budgétaire contraint — sans briser le lien avec l’intérêt public. La prochaine étape? Que les gouvernements municipaux et provinciaux prennent la mesure des racines du malaise et cessent de traiter chaque crise comme un cas isolé plutôt que comme le signal d’alarme d’un système à réformer en profondeur.





