Parse-clean-Single-post12.item_.json_.imageName-1-191

Fuir l’échec : jeunesse en résistance

Dans les rues de Montréal comme dans celles de Dakar, ce sont souvent les mêmes slogans qu’on entend : justice climatique, logement digne, avenir vivable. Ce ne sont pas des mots creux – ce sont les cris d’une génération qui refuse de fuir les conséquences des erreurs de leurs prédécesseurs. Quand un quartier est englouti sous les eaux au Pakistan ou que le béton dévore la toundra en Abitibi, les jeunes s’organisent, connectés par la fibre fragile mais tenace de la solidarité. Parce qu’entre la gentrification galopante et les ouragans géopolitiques, le point de bascule est partagé, globalisé, et trop souvent, ignoré.

Des océans aux bidonvilles, un nouveau lexique de la fuite s’écrit jour après jour. Dans les quartiers périphériques de Lima, on croise des familles déplacées par la sécheresse d’Arequipa ; à Laval, les abris temporaires s’étendent au cœur des parcs, réfugiés d’un monde où les loyers sont devenus aussi impitoyables qu’une mousson. Le lien est limpide : là où les politiques locales échouent à garantir un minimum vital, les conséquences débordent, migrantes elles aussi. Ce que certains appellent une crise humanitaire, d’autres la vivent comme une peine d’exil discrète – urbaine, climatique, souvent invisible dans les récits dominants.

La gouvernance défaillante n’est plus une anomalie : elle est devenue la norme, exportable et sous-traitée. Les mêmes mécanismes d’inaction climatique qu’on déplore aux Philippines résonnent dans les rapports caviardés du ministère québécois de l’Environnement. Et pendant ce temps, la jeunesse ne se contente plus de hashtags : elle occupe, manifeste, cultive et réinvente l’aide mutuelle. Dans un squat à Barcelone comme dans une coop agricole à Sainte-Foy, on tisse des alternatives – imparfaites mais engagées. Une militante marocaine de 23 ans me confiait à Tunis : « Nos gouvernements échouent à nous protéger ? Alors on se protège nous-mêmes. Ensemble. »

C’est ce « ensemble » qui change la donne. À Montréal-Nord, les jeunes de Front Commun mobilisent autour de l’accès équitable à l’eau potable, pendant qu’en Indonésie, des collectifs féminins documentent les évictions forcées dues aux méga-projets miniers. Leurs combats paraissent éloignés, mais ils se répondent : défendre un toit, c’est aussi défendre une planète habitable. Et dans les alliances qui émergent – des campagnes de crowdfunding binationales aux formations numériques sur les droits climatiques – naît une diplomatie populaire qui, il faut bien l’avouer, agit bien plus vite que celle des sommets officiels.

Un avenir que personne ne devrait fuir implique d’en finir avec les politiques qui nous poussent, volontairement ou non, vers la sortie. Cela demande de voir l’injustice non pas comme locale mais comme systémique : un bidonville de Bamako n’est pas loin d’un logement insalubre à Verdun. Penser ainsi, c’est ouvrir la voie à une solidarité transfrontalière qui refuse le fatalisme. Et qui, dans chaque marche, chaque mobilisation, chaque lieu occupé, élève une voix qu’aucune frontière ne pourra étouffer.

PARTAGER CET ARTICLE