Les discours sur la transition écologique célèbrent souvent une ère post-carbone verte et émancipée. Mais qui paye le prix de ces solutions « durables » ? De la forêt d’Innu Assi au Québec jusqu’aux salars asséchés du Chili ou les forêts du Katanga congolais, une constante s’impose : les promesses vertes du Nord global reposent sur les veines ouvertes du Sud. Le lithium, le cobalt et d’autres « métaux critiques » sont extraits au prix d’un extractivisme néocolonial maquillé en modernité verte.
Le récent Baromètre de l’acceptabilité sociale au Québec illustre un certain réveil citoyen : la perception de l’industrie minière se dégrade, notamment chez les jeunes. Cette méfiance n’a rien d’abstrait. Elle fait écho à l’opposition d’Innus et d’Atikamekw face aux projets sans consentement libre et éclairé. Ces méga-projets rappellent, en version 2.0, la mainmise coloniale sur les territoires autochtones. L’enjeu n’est pas seulement environnemental, il est fondamentalement politique : qui décide de l’avenir d’un lieu, et au nom de quoi ?
À Lota au Chili, ce fut le lithium ; au Sud-Kivu, le coltan. À chaque fois, le schéma est le même : entreprises transnationales viennent draper leur intérêt économique d’un manteau vert, promettant emplois et infrastructures. En réalité, les profits partent loin, les nappes phréatiques s’assèchent, et les peuples restent avec les poussières. Le think tank Tricontinental pointait déjà en 2023 cette contradiction centrale : « la transition énergétique du Nord repose sur l’intensification de l’injustice environnementale au Sud ».
Face à cela, les résistances s’organisent : au Mexique, les zapatistes ont mené des campagnes pour l’autodétermination énergétique ; dans le nord du Canada, les jeunes Cris articulent leurs luttes à celles de Standing Rock. Des ONG comme MiningWatch, le Centre africain pour les droits environnementaux, ou encore les réseaux mapuches, établissent des ponts de solidarité planétaire. Ces mouvements rappellent que l’écologie ne peut rimer avec dépossession, et que « décoloniser la transition » n’est pas un slogan, mais une exigence vitale.
Dans ce contexte, chaque projet minier censé « sauver la planète » mérite d’être déconstruit. Car mobiliser des terres sacrées pour nourrir les batteries Tesla du Nord, sans réparation historique ni redistribution équitable, c’est perpétuer l’échange inégal d’hier avec les habits d’aujourd’hui. La transformation écologique doit commencer par la justice : énergétique, sociale, et post-coloniale. Sinon, comme le disait un militant congolais à Kinshasa, « votre transition, pour nous, n’est qu’un nouveau pillage éclairé au LED ».





