Camille_2025-11-17_Montreal_dort_ses_exclues_grelottent

Montréal dort, ses exclu·es grelottent

Les tentes bleues mordent le béton, accrochées aux recoins oubliés par le confort. Novembre lape les os, mais c’est l’indifférence qui tue. Montréal étale aujourd’hui son visage d’apartheid social : itiné·rantes trans, mères solo, jeunes queer couchent sous des viaducs pendant que les condos flânent à vide. L’itinérance n’est pas une fatalité, elle est une politique. Le fruit pourri d’années d’austérité déployée comme une guerre de classe – discrète, mais fatale.

Ceux et celles qu’on ne veut pas voir sont les blessé·es de notre système économique cannibale. Une jeune femme lesbienne autochtone me confie : « Les refuges, j’y vais pas. Trop de violence, de jugements. » Elle préfère le froid à la peur. Ce que les gouvernements appellent « complexité », c’est souvent leur démission morale. La réalité, c’est que les coupes dans le logement social, les miettes allouées aux organismes, et la gentrification galopante forment un cocktail mortel pour les marginalisé·es. Montréal ne manque pas d’espace, mais de volonté politique.

Québec solidaire propose 500 places d’urgence. Est-ce suffisant? Non. Est-ce un début? Oui. Dans un champ de cendres, même une étincelle compte. Mais pendant qu’on débat de chiffres, des gens meurent dehors. Le gouvernement Legault, lui, verse des millions dans la police, dans les prisons, dans les pipelines – pendant que l’humain se fait expulser de sa dignité. Comment justifier l’inaction? En invisibilisant les corps. Surtout ceux des trans, des racisé·es, des neurodivergent·es. L’hiver est un purgatoire sans fin pour celles et ceux qu’on a déjà condamné·es à l’abandon.

La communauté résiste, épuisée. Des squats aux cuisines collectives, des bénévoles plantent des graines de solidarité à contre-courant. Mais elles et ils ne peuvent pas tout porter. Les organismes sont au point de rupture. Le communautaire est un barrage bricolé face à un raz-de-marée conçu par le capitalisme. Il faut le dire haut et fort : les lucarnes de bienveillance ne remplacent pas une architecture sociale juste. Il ne s’agit pas de mieux gérer l’itinérance, mais d’abolir les causes qui la produisent. Moins de condos pour les investisseurs, plus d’espaces pour la vie.

Il est temps de choisir : une ville-dortoir pour les riches ou une ville refuge pour toustes? Choisir, c’est agir structurellement : gèle des loyers, réquisition de bâtiments vacants, investissements massifs dans le logement social autogéré. C’est oser un cap radical, écoféministe, queer et populaire. Car chaque tente qu’on tolère est une abdication morale. Montréal peut être autre chose qu’un cimetière froid pour les exclu·es. Elle peut être un poing levé, une lumière contre la tempête. Mais il faut briser le silence. Et comme le dit un graffiti tagué sur un mur de Milton-Parc : « À qui sert l’hiver ? Pas à nous. »

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