La classe politique sabre le champagne à Deux-Montagnes pendant que des usager·ère·s patientent sur les quais fantômes de la mobilité sociale. Inauguration ‘historique’, claironnent les médias dominants, comme si l’histoire s’écrivait uniquement pour les nantis des banlieues bien alignées sur les plans d’investissement. Le REM version Deux-Montagnes roule — mais pas vers l’équité, pas vers la justice. Juste vers un futur lisse et aseptisé qui laisse derrière celles et ceux qui n’ont jamais été invité·e·s à monter à bord.
Depuis des mois, c’est l’attente. Lignes suspendues, bus insuffisants, trajets rallongés. Pas juste des désagréments : des vies bouleversées. Mariam, 42 ans, mère monoparentale de Laval, témoigne. « J’ai perdu mon deuxième emploi. Retourner de nuit sans voiture, c’est devenu impossible. » Ces retards ne sont pas une anecdote logistique. Ce sont des fractures territoriales. L’isolement n’est pas un bogue, c’est un choix systémique, le prix du progrès à deux vitesses.
Ce que dévoile le REM, ce n’est pas une infrastructure performante, mais une architecture d’abandon. L’État se retire des marges, se concentre sur les axes rentables – devinez pour qui. Pendant qu’il peint de vert ses projets bétonnés, il oublie les corridors scolaires, les trajets ouvriers, les besoins des corps vulnérables. Le transport collectif n’est plus un droit, c’est un luxe enveloppé dans une stratégie de développement immobilier. Le train passe, les communautés décrochent.
On nous vend du rêve électrique, mais derrière chaque station flambant neuve, il y a les silences des oublié·e·s. Et si l’on parlait aussi de ceux et celles qui n’ont plus les moyens de vivre près des stations, poussés dehors par la spéculation? Et si l’on écoutait Hugo, 19 ans, militant étudiant : « Le REM, c’est le miroir brisé d’un avenir dont on est exclu·e·s. » Ouvrons les yeux : cette ‘victoire’ est une capsule promo pour investisseurs, pas une avancée sociale.
Le vrai progrès, ce n’est pas un train autonome traversant les beaux quartiers. C’est une volonté politique à relier les histoires, pas seulement les stations. C’est bâtir un transport public qui ne laisse personne en bordure de quai. Ce qu’on célèbre aujourd’hui comme une « étape » est en fait un détour, une fuite, un aveu : le Québec de demain est encore construit pour les mêmes. Il est plus que temps de recâbler nos luttes aux circuits populaires. Que nos colères deviennent tunnels. Que nos espoirs posent leurs rails.





